mardi 11 mai 2010

« Un Ford après un Peckinpah » : sens de lecture

La revue en ligne Panorama Cinéma propose sa vision du western crépusculaire.
Ultime retour sur le cycle de la Cinémathèque québécoise.



Mathieu Li-Goyette nous rappelle que chez Peckinpah, c’est avant tout « la mort des idoles » qui compte : « ils ont tous vu, tous vécu, tous vaincu, mais en sont surtout tous morts. »
Morceaux choisis de sa dernière critique de The Wild Bunch (1969) :
« À la fois Bacchus et Arès, Éros et Thanatos, Peckinpah jongle en arrière-plan avec la libération des mœurs sexuelles et la guerre du Viêt-Nam, où l’importance de la nouvelle technocratie guerrière (hélicoptères de combat, napalm, armes de poing, etc.) vient alimenter une toute nouvelle génération d’amateurs de balistique (…) Le cinéaste met le doigt sur l’un des drames de l’Amérique quant à son questionnement perpétuel sur la suite des choses. Lancée en 1969, consciemment marquée par la guerre, la horde est à la fois la grande allégorie de son propre pays, de ses jeunes militaires prisonniers d’Indochine et du futur floué du genre dans lequel il s’inscrit. »
« Là où le sang et le sel suintent, Peckinpah est là à filmer cette dernière expiation du mythe, car à transpirer leur propre légende de l’Ouest (celle de leur horde de loups affamés), Pike et ses comparses mettent à l’épreuve ce qu’il reste du pouvoir de cette fable dont ils sont le principal sujet ; jusqu’où leur image mythique leur permettra-t-elle de survivre? Comme un chat, auront-ils neuf vies, où seront-ils simplement immortels? À force de courage, ils s’expient du conte, le laissent s’évaporer à travers le Mexique jusqu’à leur dernier tour de cirque. »

En signant Tell Them Willie Boy is Here, Abraham Polonsky, cinéaste méconnu (victime de la chasse aux sorcières, il tourna très peu), ne s’empêche pas pour autant de frapper l’histoire du western de plein fouet : crépusculaire, son film l’est très certainement, en partie dans sa capacité à poser un discours politique fin et ajusté, loin d’être pamphlétaire. S’inscrivant dans la tendance pro-indienne ou de la réhabilitation, Polonsky pose sa nuance et problématise la question du souvenir. Souvenir d’un Ouest en contradiction avec lui-même, souvenir d'un genre majeur.
« Mon film possède plus de mythes de l’Ouest qu’un film de John Ford. Car John Ford se trouve à l’intérieur de ces mythes, alors que je suis à l’extérieur. John Ford ressent l’Ouest de façon très profonde, il dit la vérité autant qu’il peut la connaître, mais sa vérité - en laissant de côté son style qui est admirable - est limitée au monde dans lequel il vit, cet Ouest qu’il a créé et dont il a contribué à perpétuer le mythe, mythe que le monde entier a adopté. Il y a un mythe de l’Ouest pour les Américains, c’est le Paradis perdu, pour les Indiens, c’est le génocide. » (Polonsky, 1970)
À lire donc sur Panorama, « Le genre et ses souvenirs : l’apport de Polonsky », analyse signée par moi-même.

« De quoi alimenter encore de longues soirées en compagnie de ces contrées d'autrefois. » Ou même des journées. Ce n’est pas le temps qui nous manque, à l’instar de nos idoles.

Rendez-vous sur :

http://www.panorama-cinema.com/V2/article.php?categorie=5&id=15